Vélo et société

Livrer à vélo : 5 bonnes idées croisées au forum de la cyclologistique

De nombreuses entreprises françaises s’évertuent à inventer et proposer de nouveaux moyens de transporter et livrer à vélo. Cinq d’entre elles, de toutes tailles et très différentes les unes des autres, ont attiré notre attention au Forum de la Cyclologistique de Paris.

Après notre compte-rendu global de la journée passée au forum de la cyclologistique de Paris, nous vous proposons de nous attarder sur cinq solutions croisées sur place. Solutions qui témoignent du grand écart qu’il peut exister entre les innombrables solutions qui permettent de travailler et livrer à vélo. Entre ingéniosité, vélos étonnants et solutions très pertinentes.

La Charrette, catalyseur coopératif

La MAD (pour Manufacture Décentralisée) est une petite structure en cours de formation au sein de Coopaname, qui aide les entrepreneurs à se mettre en réseau pour leurs projets coopératif. L’idée ? Réunir à terme une trentaine d’acteurs – et autant de savoir-faire – venus des quatre coins de la France pour mutualiser des techniques de production et faire émerger des produits répondants à des besoins très spécifiques, comme le transport de marchandises.

C’est là qu’intervient la Charrette, une remorque très simple d’apparence mais électrifiée (intégrant donc un moteur dans le moyeu de sa roue avant) et auto-freinée (ce qui lui permet d’être compatible avec le transport de charges lourdes, jusqu’à 300 kg). Vendue 4500 € HT, elle est également déclinée en version non électrique à 3500 €. Un kit permettant de fabriquer soi-même sa Charrette est également proposé à 1500 €, avec toute la notice et les plans complets. « On travaille avec des artisans et certains sont parfaitement capables de souder et assembler leur remorque eux-mêmes », nous explique Simon Denise, touche à tout, serrurier et designer.

« La Charrette peut servir à transporter du matériel, mais peut aussi servir de plateau de base à bien des choses. Certains veulent en faire un sauna mobile. D’autres un habitat léger. Moi je pense à créer un four à pizza et une petite échoppe mobile à la japonaise », ajoute-t-il. La MAD est accompagnée par l’Ademe dans sa démarche et travaille sur la découpe des tubes et matériaux au laser pour améliorer le processus de fabrication de ses produits.

Parmi eux, nous découvrons aussi Le Convivial, un vélo cargo familial permettant de transporter un enfant à l’avant, face à soi, fabriqué par les Cycles Miel d’Ours à Montauban (5000 € HT). Un vélo portant le sceau « Fabrication Artisanale Garantie », pas étonnant quand on consulte la liste des entreprises de la MAD qui regroupe de nombreux cadreurs français.

Kleuster, entre camionnette et vélo cargo

Impossible de manquer Kleuster sur le forum. C’est l’exposant qui présente le plus gros « vélo ». Car oui, les engins de Kleuster sont bien des tricycles électriques, capables de transporter jusqu’à 300 kg de matériels et marchandises. « On est là depuis 10 ans et on a pu faire évoluer nos produits. On est forcément très renforcés sur la partie cycle, avec une transmission qui utilise une courroie de voiture, à l’avant on a une fourche et des freins de moto. On démarre le vélo et on peut aller jusqu’à 13 km/h en pédalant, et avec un bouton on passe à 18 km/h en vitesse de croisière », nous explique Frédéric Ginja, commercial pour la marque.

Les points forts de Kleuster, c’est d’être assemblé par Renault Truck à Lyon et de pouvoir proposer une plateforme arrière adaptée à des métiers très différents. « Pour nos clients, savoir qu’ils bénéficient du support de tout le réseau Renault Truck, c’est hyper important et rassurant. Et puis on peut s’adapter à tout un tas de besoin, que ce soit avec la cellule sèche, le froid pour les livraisons à température dirigée, ou des engins que l’on fabrique pour les collectivités, typiquement pour les services d’entretien des espaces verts et des voiries, voire des opérateurs des déchets ou des restaurateurs », nous renseigne-t-il.

Effectivement, on découvre une gamme de tricycles pouvant être équipés pour transporter du froid mais également avec un nettoyeur haute pression ou même une benne de ramassage pour les ordures, sans oublier la version « foodtruck ». Et ces très gros vélos peuvent rouler sur piste cyclable et affronter de gros dénivelés, jusqu’à 18 % de pente ! « Nos études montre qu’on peut être jusqu’à 60 % plus rapide qu’un véhicule utilitaire léger en ville parce qu’on est plus agile, plus adapté à la ville. On est 100 % électrique, on charge jusqu’à 2 m³ et on offre jusqu’à 80 km d’autonomie. On est le meilleur des deux mondes entre les camionnettes et les vélos cargos », résume le commercial.

Jhog Tractor, un longtail conçu pour tracter

Du côté de Jhog, qui fournit tous types d’engins de mobilité aux professionnels, nous avons découvert le Jhog-T (pour « Tractor »), un tout nouveau vélo à assistance électrique pensé pour les pros. Ce longtail vient compléter le biporteur Jhog-E et a été entièrement pensé pour être costaud et compact, plus agile que son grand frère beaucoup plus long en milieu urbain.

« On combine la praticité d’un vélo électrique compact pour se déplacer en ville et une grosse capacité de charge et de tractation. C’est idéal pour les professionnels qui alternent et n’ont pas toujours besoin d’avoir une grosse capacité d’emport », nous explique François Lemière. Outre une capacité de chargement de 80 kg, Jhog insiste sur la motorisation à vitesses intégrées Valeo Cyclee et son couple monstrueux de 130 Nm. « Un moteur idéal pour l’usage de ce petit tracteur, capable de tracter de grosses remorques bien chargées ».

Ce vélo monté sur des roues de 24 et 20 pouces, dont le cadre est usiné à Annecy, est assemblé à partir de 95 % de composants français. Il est lancé au tarif de 4600 € HT et peut être associé à une batterie de 680 ou 1200 Wh en fonction des besoins du professionnel. On apprend même qu’une version pour particuliers de ce vélo est en préparation du côté de Ello Mobilité, avec des accessoires plus familiaux et adaptés au transport d’enfants et de courses. A suivre.

La Boîte qui Roule, la sobriété efficace

Après avoir créé, sur commande, un vélo assis en travaillant des pièces en bois en plus du cadre en métal, Boris Collard s’est lancé dans les remorques. « Quand on voit certains engins ici, je me sens un peu à l’opposé du spectre. Je reste sur des dimensions vélo, avec un plateau de 84 cm de large. Cela n’empêche pas la boîte qui roule de répondre à tout un tas de besoins », nous explique cet artisan qui crée ses remorques sur mesure à Ivry Sur Seine.

Pour autant, après avoir répondu à des commandes très précises, il espère maintenant développer une offre un peu plus standard. « Je vais continuer à proposer du sur-mesure c’est sûr, mais j’essaie de rationnaliser les coûts autour d’un plateau standard que je vends 1200 € avec le seul système de freinage, et 1500 € avec les amortisseurs ». Car si cette boîte roulante a déjà été adaptée aux besoins de divers artisans, s’est muée en stand d’animation ou de vente ambulante, en régie mobile de théâtre et même en remorque pour bateau pneumatique, certains clients ont demandé à Boris d’en faire une cuisine mobile.

« Ca c’est une demande qui je n’attendais pas, mais elle m’a permis de développer une remorque suspendue pour absorber au maximum les vibrations et autres trous. J’ai donc mis au point mon système sur mesure en utilisant un amortisseur de VTT, ça marche vraiment pas mal », indique celui qui tient à rassurer sur l’aspect bois de sa remorque : « Souvent dans notre milieu, les gens pensent que le bois va être moins durable que l’acier. Mais mes aménagements sont super résistants et s’il y a un choc ou autre, c’est super facile à réparer, on peut changer un panneau. On peut aussi donner une seconde vie à la remorque en changeant facilement ses aménagements, et puis c’est plus écolo, on est là pour ça aussi. »

Fleximodal, des solutions interconnectées

Le parti pris de Charles Levillain, fondateur de Fleximodal, est très intéressant. Il a imaginé les solutions logistiques à vélo de sa société comme une brique de la chaîne existante. Il a imaginé la remorque Bicylift dans cette optique, la particularité de cette dernière (outre de pouvoir être tractée à vélo) étant de faire office de bras de levier pour la manipulation des palettes. Ce système de levage revêt un intérêt précieux pour les opérations quotidiennes puisqu’il permet de déplacer facilement les palettes et containers compatibles à la main, en plus de simplement les acheminer à vélo. La remorque fait alors office de chariot de manutention pour les derniers mètres.

« Je ne pense pas qu’arriver avec une solution vélo jusqu’auboutiste soit vraiment réaliste à l’heure actuelle. Il faut penser les complémentarités de modes entre les camions, les camionnettes, les vélos. Il y a même des choses étonnantes comme le transport fluvial-vélo, avec des péniches qui font office de hub où les vélos vont chercher la marchandise pour la livrer en ville. Il faut vraiment garder cette approche complète », nous glisse-t-il en nous emmenant sur l’espace extérieur du forum, où il nous présente sa dernière solution.

Un vélo électrique assis à une roue qui facilite le transport des containers sur la remorque Bicylift en formant un tricycle. On gagne en visibilité et le pilotage est amélioré, et cela permet de limiter l’espace de stockage du matériel en fin de journée. « On relève les remorques, on gare ces vélos qui ne prennent pas beaucoup de place, et voilà ». Mieux, Fleximodal développe sa solution de containers adaptés au transport à vélo et a imaginé une remorque pour véhicule motorisée capable d’en stocker quatre. « Là, on a un micro-hub logistique mobile pour les vélos, et avec la camionnette on va pouvoir les déplacer très facilement, parfois plusieurs fois par jour. Si on s’organise bien, on obtient une flexibilité et une efficacité vraiment très performantes ».

Bonus : la découverte technique chez K-Ryole

On adore faire des découvertes techniques autour des vélos et chez K-Ryole, fabricant français de remorques motorisées, on a appris que les remorques savaient quand avancer et quand freiner en utilisant un capteur de déformation du matériau au niveau de l’attelage. Un capteur capable de savoir, au Nm près, la force exercée sur l’aluminium.

Lorsqu’il se contracte, alors la remorque doit activer ses freins, lorsqu’il s’étire, elle doit avancer. C’est évidemment couplé à d’autres systèmes pour garantir un fonctionnement fiable, optimal et sécurisé, mais on ne se doutait vraiment pas que cela pouvait fonctionner comme ça avant de discuter avec les représentants de ce fabricant, alors on partage notre découverte.

PS : Si le sujet de la cyclologistique vous intéresse, vous pouvez également lire l’intéressant portrait de Sloop proposé par le site Isabelle & le vélo.

  • Publié le 17 mars 2025

En banlieue parisienne, ce quadra père de 2 enfants pratique le vélo au quotidien de manière (assez) sportive, sur route et en dehors. A des envies de longues randonnées à la découverte de nouveaux paysages.

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