Vélo et société

L’abonnement, un tremplin pour l’adoption du vélo

Les modèles d’abonnement et de partage s’imposent en Europe comme une étape clé vers l’achat d’un vélo. Loin de concurrencer les ventes, ils facilitent l’adoption du vélo, notamment électrique, auprès des nouveaux usagers.

En bref :

  • Les services d’abonnement et de partage servent de tremplin vers l’achat, surtout pour les VAE.
  • Les flottes européennes de vélo en libre-service atteignent 438 400 vélos.
  • Abonnement et vente traditionnelle coexistent de manière complémentaire.

Longtemps considérés comme une niche, les systèmes de vélos en libre-service et en location se sont imposés comme une composante structurante de la mobilité urbaine. Loin de représenter une menace pour les ventes traditionnelles, ils s’affirment désormais comme une étape intermédiaire vers l’achat, selon plusieurs acteurs du secteur.

Pour Natalie Diekmann, directrice commerciale de Swapfiets, le modèle d’abonnement abaisse clairement la barrière d’entrée. La clientèle traditionnelle de vélos musculaires de l’entreprise est un mélange d’étudiants, de nomades et de nouveaux arrivants. Mais, « avec les vélos électriques, c’est un peu différent », précise Diekmann. « C’est un produit plus récent — et vraiment coûteux. Les gens utilisent très souvent un modèle d’abonnement pour voir si c’est ce qui leur convient. »

Un constat partagé au Royaume-Uni par Paul’s Cycles, qui voit dans le vélo en location une opportunité commerciale. « Les programmes de location sont une porte d’entrée, pas une concurrence », estime son directeur Tom Thornley. Parmi les 1 000 propriétaires de VTT interrogés, un sur cinq avait déjà loué un vélo — et davantage après l’achat qu’avant.

Essayer avant d’acheter

Pour le marchand belge indépendant Slim Abid, les attentes d’un utilisateur de vélo par abonnement et celles d’un client potentiel ne sont pas les mêmes. Alors que les abonnés recherchent une solution pratique et peu engageante, les acheteurs prêts à investir ont des exigences plus élevées. Globalement, selon Abid, l’achat d’un vélo a changé ces dernières années.

« Nous avons vu les gens aborder l’achat d’un vélo de manière beaucoup plus réfléchie », dit-il. « Avec la montée en gamme des VAE, un bon vélo est désormais considéré comme un véritable atout de mobilité. Les attentes ont augmenté — en confort, en puissance, et en qualité de conduite — et les acheteurs ont tendance à faire davantage de recherches pour trouver un produit adapté à leur trajet ou à leur mode de vie. »

Cette prise de conscience chez les consommateurs rejoint ce que Diekmann observe chez les abonnés Swapfiets utilisant un vélo électrique : ils sont plus enclins à tester un vélo avant d’investir.

En Ile-de-France, la région propose le service Véligo qui propose de louer un vélo entre 3 et 12 mois pour tester réellement l’usage de vélo au quotidien. La région lance même une nouvelle offre le 6 janvier prochain avec pas moins de 19 modèles de vélo dont des vélos musculaires, des vélos cargos, des vélos adaptés aux personnes à mobilité réduite.

Les flottes de vélos partagés en Europe

Selon de nouvelles données collectées par EY pour European Cycling Industries (ECI) — issue de la fusion de CONEBI et CIE — environ 438 400 vélos en libre-service circulent aujourd’hui sur les pistes cyclables européennes.

Parmi eux, un peu plus de 20 % sont des VAE mais génèrent 31 % des trajets. 61 % sont des vélos partagés liés à une station fixe comme les Vélib’ à Paris. Ces vélos sont répartis dans 30 pays et 146 villes, dont le Royaume-Uni, la Suisse et la Norvège. Le Royaume-Uni et la France comptent chacun des dizaines de milliers de vélos, avec 42 200 vélos Lime à Londres uniquement.

Si l’arrivée de dizaines de milliers de vélos sur les trottoirs ne fait pas que des heureux — des milliers ayant été confisqués par les autorités londoniennes en novembre 2025 pour stationnement dangereux — il est difficile de nier l’intérêt de ce mode de mobilité. Le rapport EY indique que chaque euro investi dans ces systèmes génère un rendement de 10 %. « D’ici 2030, ces bénéfices pourraient tripler pour atteindre 1 milliard d’euros si le vélo-partage est priorisé », affirme-t-il. Face aux pressions croissantes des autorités locales, Lime a récemment engagé 2 millions d’euros dans son « London Action Plan » pour améliorer le stationnement, la sécurité et la coordination avec les municipalités.

Rappelons qu’à Paris, de nouvelles règles régissant le stationnement des vélos en libre-service. Si le parking vélo ne compte que quatre à cinq arceaux, un seul vélo en libre-service ne peut stationner. De six à huit, c’est deux vélos; de neuf à onze, trois ; etc. Jusqu’à 26 arceaux, où six vélos en free floating peuvent prendre place. Ces règles permettent de partager au mieux l’espace public.

Construire un modèle rentable

Côté développement, Swapfiets compte désormais 280 000 abonnés, soit une augmentation d’environ 30 000 membres sur quatre ans. L’entreprise appartient à Pon Holdings, qui détient plus de 20 marques, dont Cannondale, Cervélo, FOCUS, Gazelle, GT, Union et Kalkhoff.

Basée à Amsterdam, l’entreprise enregistre encore des pertes annuelles, mais celles-ci diminuent fortement année après année. « Nous recevons des financements supplémentaires de notre actionnaire actuel pour soutenir notre croissance et notre voie vers la rentabilité », écrit Swapfiets dans son dernier rapport financier, citant le soutien de Pon.

Bien que Swapfiets continue d’étendre sa présence européenne et d’augmenter sa base d’abonnés, Natalie Diekmann souligne que de nombreuses entreprises concurrentes n’ont pas survécu : « c’est vraiment très difficile de faire fonctionner ce modèle économique […] Beaucoup de concurrents sous-estiment sa complexité, toutes ces réparations — et à quel point il faut être efficace dans la gestion de flotte. »

Natalie Diekmann insiste sur deux facteurs clés pour maintenir une flotte de vélos partagés : la réparabilité et la durabilité. Elle estime que Swapfiets réalise environ 200 000 réparations par an. Offrir un excellent service est essentiel, car les usagers s’attendent à ce que leur vélo fonctionne en permanence. Swapfiets y parvient en rendant les pièces aussi interchangeables que possible et en réutilisant les composants lorsque c’est faisable.

« Nous avons appris qu’un modèle d’abonnement nécessite des exigences différentes d’un modèle linéaire. Nous avons besoin de vélos plus robustes, circulaires et simples à réparer », explique Diekmann. C’est là que le modèle devient rentable : plus un vélo roule longtemps, plus Swapfiets peut amortir ses coûts. Aujourd’hui, un vélo classique Swapfiets dure environ 10 ans, tandis que ses VAE durent environ 5 à 6 ans.

Écosystèmes parallèles

Pour Natalie Diekmann, Swapfiets n’est pas vraiment en concurrence avec d’autres modèles circulaires, qui sont très rares. « Nous sommes davantage en concurrence avec les vélos bas de gamme qui cassent rapidement et finissent à la décharge », dit-elle. « Nous sommes aussi en concurrence avec les transports publics et les voitures. »

Slim Abid, gérant de magasin, partage cette vision : il ne perçoit pas les abonnements comme une menace pour le commerce de détail, mais comme des écosystèmes parallèles. « Les vélos d’abonnement sont conçus pour la durabilité et un usage intensif répété ; les vélos vendus au détail sont conçus pour le confort et la performance sur le long terme. Les attentes des deux publics ne se recoupent pas vraiment, donc les deux modèles peuvent coexister sans impact négatif », explique-t-il.

Swapfiets aimerait même voir davantage de concurrence : « Les modèles circulaires sont bien meilleurs pour la planète que les modèles linéaires. »

La location : une vraie tendance

À mesure que cette branche de l’industrie évolue, elle redéfinit la façon dont les consommateurs abordent le vélo. Les données montrent que le vélo-partage et les modèles d’abonnement deviennent une étape intermédiaire structurelle dans le paysage cycliste européen. Pour les acheteurs hésitants, les étudiants, les nomades et les nouveaux venus dans la mobilité électrique, ces systèmes offrent une première étape à faible risque. Et à mesure qu’ils gagnent en confiance, beaucoup se tournent ensuite vers l’achat d’un vélo. L’abonnement et l’achat sont deux modèles qui se complètent et participent à l’essor du vélo en Europe.

Source : Bike Europe

  • Publié le 8 décembre 2025

Amateur de vélo aussi à l'aise sur une roue que sur deux. Mon objectif : informer avec passion.

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