Vélos ville électriques Mis à jour le 16 novembre 2023

Comment les supercondensateurs pourraient révolutionner le vélo urbain

Un vélo électrique sans batterie et sans chargeur, c’est ce que promet le supercondensateur. Ce composant électronique peut révolutionner le monde du VAE. Explications.

Voilà à quoi pense le générateur d’image Dall-E lorsqu’on lui parle de vélos futuristes et de supercondensateurs.

Le supercondensateur, késako ?

Pour schématiser simplement, une batterie au lithium-ion offre une grande capacité, mais se remplit assez lentement. A l’opposé, le supercondensateur ne stocke que peu d’énergie, mais il se recharge très rapidement.

Alors qu’une batterie stocke l’énergie via une réaction chimique, le condensateur emmagasine l’énergie dans un champ électrique entre deux électrodes. Une énergie identique à l’électricité statique produite lorsque l’on frotte un pull et un ballon de baudruche. Elle se trouve sous forme d’électrons qui se repoussent les uns des autres, la quantité stockée est donc très faible.

Les supercondensateurs de Maxwell, l’une des entreprises leaders dans ce domaine, avec une capacité exprimée en Farads. ©Maxwell

C’est là qu’arrive le supercondensateur. Il stocke l’énergie sous forme d’ions chargés positivement et négativement dans un liquide électrolyte. La capacité de stockage est donc plus élevée que celle d’un condensateur classique tout en conservant les propriétés de charge et de décharge rapide.

Le supercondensateur est un composant électronique qui peut stocker de l’énergie quasiment instantanément et n’a pas peur des fortes variations de puissance. Sur un vélo, il peut aussi bien se recharger lentement en pédalant que très rapidement lors d’un freinage appuyé grâce à un système de récupération d’énergie. Il peut également récupérer de l’énergie lors d’une descente et encore plus en freinant lors d’une descente. Les systèmes de récupération d’énergie fonctionnent mal avec les batteries au lithium. Elles ont besoin d’un courant stable pour que la réaction chimique puisse être constante.

Le supercondensateur est déjà utilisé massivement dans l’automobile pour le système Start & Stop (le moteur s’éteint à l’arrêt et repart à l’aide des supercondensateurs) et l’industrie dans des domaines bien particuliers. Certaines grues de déchargement dans les ports utilisent des supercondensateurs pour faire fonctionner les moteurs électriques. Les supercondensateurs sont utilisés pour lever le chargement et ils sont rechargés lors de la descente grâce à l’énergie cinétique.

C’est le même principe sur un vélo. Le supercondensateur est chargé, soit sur le plat à l’aide des jambes du cycliste, lors des freinages ou dans les descentes. Il restitue l’énergie stockée dans les montées pour faire fonctionner le moteur électrique.

La gestion d’une batterie classique sur un VAE en haut. Celle des supercondensateurs en bas. ©Pi-Pop

Les supercondensateurs sont également utilisés sur les bus MAN Lion’s City Hybrid en récupérant l’énergie en freinage et en la restituant au démarrage. D’autres projets vont encore plus loin avec par exemple ce système testé sur des bus électrique se rechargeant en quelques secondes à l’arrêt de bus déjà à l’œuvre en Chine grâce à un pantographe (comme pour un tramway) placé sur le toit qui permet de recharger les supercondensateurs en 80 secondes pour une autonomie de 3 à 6 km.

Une solution propre et durable qui peut être fabriquée en France

L’autre avantage des supercondensateurs sur les batteries au lithium-ion est l’absence de matériaux rares. Le supercondensateur est composé de carbone, de polymères conducteurs, de feuilles d’aluminium et de pâte à papier. Tous ces matériaux sont recyclables. C’est pour la partie idyllique. À l’heure actuelle, la plupart des condensateurs sont fabriqués avec du carbone extrait de la noix de coco.

Lorsqu’une noix de coco est brulée, elle produit du carbone qui, lorsqu’on l’étale en fine couche sur une feuille d’aluminium et qu’on l’expose à des ions électriquement chargés, stocke les ions dans ses pores. Or, plus le carbone possède de pores (d’une taille appropriée), plus il peut stocker d’énergie par gramme de matière. Le problème avec les noix de coco carbonisées, c’est qu’en fonction de la météo et du moment où elles sont récoltées, la densité des pores varie.

Certaines entreprises comme Skeleton utilisent déjà la synthétisation de carbone à partir de carbures inorganiques (pétrole). On perd alors le côté durable puisque ce n’est plus la noix de coco qui est utilisée comme matière première, mais on gagne en efficacité et en stabilité avec des pores identiques et parfaitement adaptés. La densité (capacité par rapport à la taille) des supercondensateurs est alors améliorée.

Une durée de vie multipliée par trois

Il y a également un autre avantage : la durée de vie. Les batteries au lithium utilisent une réaction chimique pour libérer l’énergie, alors que les supercondensateurs fonctionnent grâce à l’énergie électrostatique. Les processus chimiques des batteries au lithium créent une plus grande résistance interne. Celle-ci réduit la vitesse du transfert d’énergie et use lentement la batterie, ce qui diminue le nombre de cycles de recharge qu’elle peut supporter. Si les batteries peuvent subir quelques centaines, voire milliers de cycles, un supercondensateur peut être chargé un million de fois.

Dans la pratique, la durée de vie d’un supercondensateur est de 10 à 15 ans contre seulement 6 à 10 ans pour une batterie Lithium-ion.

Supercondensateur : un rapport capacité/encombrement/poids à l’opposé de celui d’une batterie au lithium

Au moment où nous écrivons ces lignes, le Pi-Pop de STEE est l’un des rares vélos électriques à supercondensateurs qui soit commercialisé. Ce vélo est équipé de 18 supercondensateurs montés en série avec chacun une capacité de 430 Farads (unité de capacité utilisée pour les condensateurs, 1 Wh ≈ 988 Farads). Chacun des supercondensateurs est noté avec une énergie de 0.54 Wh. On se retrouve donc avec une capacité totale énergétique de 9,72 Wh pour un poids total d’environ 1,45 kg. Soit environ 6,7 Wh/kg

Les supercondensateurs du Pi-Pop avec une capacité de 9,72 Wh pour 1,45 kg.
Une batterie Shimano BT-E6000 avec une capacité de 418 Wh pour un poids de 2,58 kg.

À l’opposé, une batterie lithium-ion standard comme la Bosch PowerPack 400 ou Shimano E6000 pèse moins de 2,6 kg pour une capacité de 400/418 Wh, soit un stockage d’énergie 40x fois plus élevé (160 Wh/kg environ). On comprend mieux pourquoi le supercondensateur n’a d’intérêt qu’avec un système de récupération d’énergie adapté. Sans récupération, l’autonomie est seulement de quelques kilomètres.

Une sécurité renforcée

Autre détail non négligeable, l’absence de réaction chimique rend les supercondensateurs totalement inoffensifs. Il n’y a aucun risque d’emballement thermique ou d’explosion comme c’est le cas avec les batteries au lithium.

Le Pi-Pop : le premier vélo sans batterie et sans chargeur grâce aux supercondensateurs

Le Pi-Pop : le premier vélo sans batterie ni chargeur. Les supercondensateurs se rechargent au freinage et en pédalant.

En lieu et place de la batterie au lithium-ion utilisée sur la grande majorité des vélos électriques, le Pi-Pop utilise des supercondensateurs . Ce système offre une capacité de stockage largement inférieure à celle d’une batterie Lithium, mais il a l’avantage de se charger très rapidement. Dès le premier coup de pédale, le système emmagasine de l’énergie.

Le Pi-Pop est assez léger puisqu’il pèse environ 21,7 kg alors que le poids d’un vélo électrique de ville se situe habituellement aux alentours de 25 kg. Comme dit plus haut, le pack de 18 supercondensateurs pèse 1,45 kg. Il peut encaisser un dénivelé positif d’environ 50 mètres après une recharge sur le plat à la force des mollets. Selon Adrien Lelièvre, entrepreneur, ingénieur et inventeur du Pi-Pop, ce vélo serait ainsi adapté à 80 % des villes européennes.

Le vélo Pi-Pop, véritable pionnier sur le segment des vélos électriques véritablement hybride sans aucune recharge extérieure, est déjà en vente pour 2450 €. En France, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées, comme disait l’autre.

Anod : un concept de vélo associant supercondensateur et petite batterie au lithium

Le vélo Anod Hybrid promet d’associer la récupération d’énergie permise par les supercondensateurs à une petite batterie au lithium de 80 Wh pour combler les dénivelés importants. ©Anod

L’entreprise française (et oui, encore !) Anod a peut-être trouvé la solution idéale en associant des supercondensateurs à une petite batterie au lithium-ion pour obtenir le meilleur des deux mondes. Le moteur permet toujours de récupérer de l’énergie pour recharger les supercondensateurs, mais lorsque ces derniers sont vides après l’ascension d’une très grosse côte par exemple, une petite batterie de 80 Wh peut prendre le relais. Gros avantage, cette batterie ne pèse que 650 grammes.

Les composants intégrés au vélo Anod.
Les supercondensateurs sont dans le tube diagonal alors que la petite batterie au Lithium est placée derrière le tube de selle. © Anod

Avec ce duo de supercondensateurs et de batterie, l’Anod Hybrid promet de fournir une assistance sur 30 à 70 km.

Ce VAE est en précommande au prix de 3499 € et sera livré à partir du printemps 2024.

L’avenir pour tous les vélos électriques de ville : les vélos particuliers et les vélos partagés

Les supercondensateurs ont clairement tout pour devenir le futur du vélo électrique en ville où le dénivelé reste faible et les freinages récurrents. L’idée de combiner une petite batterie au lithium (qui pourrait également servir à recharger son smartphone ou son ordinateur portable) a également tout son sens pour combler le déficit d’autonomie sur les trajets à fort dénivelé.

Et si les supercondensateurs étaient l’avenir des vélos en libre-service ?

Enfin , sur le marché des vélos partagés, l’utilisation des supercondensateurs pourrait résoudre le casse-tête de la recharge de batterie. Actuellement, les employés des flottes de vélo en libre-service sillonnent les villes pour remplacer les batteries vides par des batteries chargées. Avec les supercondensateurs, il n’y a plus à charger les batteries. On peut même imaginer des plans tarifaires distincts pour ceux qui veulent pédaler et recharger les batteries et les autres qui veulent profiter de l’assistance. La nouvelle (r)évolution du vélo électrique est en marche.



Amateur de vélo aussi à l'aise sur une roue que sur deux. Mon objectif : informer avec passion.