Vélos ville électriques

Les vélos électriques Angell, c’est terminé

Marc Simoncini, fondateur d’Angell Mobility, annonce la fin de ce fabricant de vélos électriques et connectés. En cause, une procédure de rappel massive insurmontable pour l’entreprise déjà en proie à des difficultés financières.

© Angell Mobility

En bref :

  • Angell Mobility va se déclarer en cessation de paiement et faire faillite, annoncent les dirigeants de l’entreprise.
  • Ce fabricant français de vélos urbains à assistance électrique ne peut assumer une procédure de rappel trop coûteuse suite à une risque de casse du cadre de sa première génération de vélos.
  • Les vélos de deuxième génération peuvent continuer à rouler, mais pourraient rapidement perdre certaines de leurs fonctions.

La crise traversée par l’industrie du cycle continue à faire des dégâts. Si la disparition de marques opportunistes nées dans un marché post-covid en pleine effervescence n’émeut pas grand monde, certaines faillites font plus de bruit (et de mal) que d’autres.

On se souvient notamment de celle de VanMoof – depuis rachetée – qui a laissé des centaines de clients sans solution. Cette fois-ci, c’est au tour d’un autre grand nom du vélo électrique moderne et connecté de jeter l’éponge : Angell. Une startup française fondée en 2018 par le millionnaire Marc Simoncini, serial entrepreneur connu notamment pour ses success-story sur Internet avec iFrance ou Meetic.

Risque de rupture du cadre

Résigné, ce dernier a publié sur ses réseaux sociaux : « Angell, c’est fini ! ». Si beaucoup de professionnels du cycle avaient pu voir d’un mauvais œil l’arrivée de ces néo-fabricants de vélo prêts à « révolutionner la mobilité urbaine », il faut admettre que l’aventure Angell, portée par Marc Simoncini, a permis au vélo urbain et électrique de faire parler de lui de manière très large, favorisant son adoption par la population. (On peut au moins mettre ça à son crédit).

Angell a eu d’autres vertus également, comme celle de communiquer sur la capacité à imaginer et produire des vélos en France, à une époque où le « made in France » dans le vélo n’était pas un objectif aussi clair qu’il peut l’être aujourd’hui. Angell avait en effet trouvé chez SEB, spécialiste du petit électroménager, un partenaire industriel intéressant. Marc Simoncini en avait fait un axe de communication important, pour « lutter contre l’idée de vélos forcément fabriqués en Asie ».

Pourquoi la société va-t-elle se déclarer en cessation de paiement ? Le déclencheur, c’est une procédure de rappel lancée en novembre sur 7 000 vélos aux cadres potentiellement défectueux et dangereux pouvant se rompre et entraîner une chute. Des Angell Cruiser et Rapide de première génération touchés par des casses qui ont obligé l’entreprise à réagir rapidement, sans pouvoir isoler précisément les séries concernées.

Alors que l’entreprise sort de deux exercices fiscaux déficitaires et a perdu 10,2 millions d’euros en 2022 puis 9 millions d’euros en 2023, les coûts de cette procédure de rappel ont eu raison des capacités de l’entreprise à surmonter cette épreuve.

Selon Marc Simoncini, l’échange des cadres défectueux aurait coûte a minima 5 millions d’euros à l’entreprise, et le remboursement des clients quelque 13 millions d’euros. « Cela dépasse largement les capacités financières de l’entreprise », explique l’entrepreneur qui regrette que ses partenaires (SEB et le bureau d’études KickMaker ayant participé à la conception des vélos) ne souhaitent participer à la mise en œuvre d’un plan d’action. Ces derniers estiment n’avoir aucune responsabilité sur la casse des cadres.

Bonnes idées et grand gâchis

Ce que l’on constate, à notre humble niveau, c’est un grand gâchis qui est l’illustration d’une certitude : le design, aussi léché soit-il, ne fait pas un bon vélo. Car si les vélos Angell partageaient de bonnes idées et des valeurs fortes sur la simplicité (monovitesse), la légèreté, la connectivité (avec GPS), la visibilité (clignotants) ; force est de reconnaître qu’aucun de ces aspects n’a permis de faire oublier leurs défauts.

Outre une position largement perfectible et la problématique du garde-boue, la « batterie porte-bagage » en est peut-être l’un des meilleurs exemples. Angell en a fait l’un des éléments identitaires de ses vélos, alors que dès les premiers tests et retours, nombreuses ont été les critiques sur ce point (exposition, format propriétaire, etc).

Pas étonnant, dès lors, que cette batterie ait été au cœur de sérieux déboires pour la marque. Le dernier en date ayant été le couac autour de la commercialisation de vélos Angell à bas prix par l’enseigne Carrefour, dont la batterie défectueuse de certains modèles avait fait scandale alors que les deux entreprises se renvoyaient la balle pour savoir qui devait venir en aide de clients lésés.

Malgré tout, en septembre 2023, Angell semblait prêt à se relancer. On apprenait notamment la signature d’un partenariat avec le constructeur automobile Mini, ce qui pouvait nous réjouir alors que de plus en plus de fabricants automobiles s’intéressent au vélo comme une véritable solution de mobilité. Si, en l’occurrence, le partenariat n’avait que peu d’intérêt d’un point de vue produit, il laissait entendre que de nouveaux vélos plus intéressants pourraient voir le jour à l’avenir. Ce ne sera donc pas le cas.

Avec le recul, il est difficile de ne pas avoir, tout de même, un goût d’amertume face à cet échec. Pourquoi ? Parce que Angell a eu le vent en poupe. A été invité par tous les grands médias. A eu cette opportunité d’intéresser à la mobilité active des publics beaucoup plus larges. Mais qu’au final, on se rend compte que les subventions et investissements dont elle a pu profiter (dont 20 millions d’euros de CGA-CGM en 2023, mais également un soutien public par l’intermédiaire de la BPI), tout comme ses nombreuses mises en avant, auraient pu bénéficier à d’autres vélos.

Des vélos moins bling-bling mais plus sympathiques à rouler, capables de remettre en question leurs choix et design en écoutant les retours des utilisateurs, et plus adaptés aux trajets du quotidien.

Amertume enfin, car on pense forcément à la grosse vingtaine de collaborateurs d’Angell qui vont perdre leur travail, mais aussi aux milliers de clients de l’entreprise qui n’auront plus de suivi pour leur vélo, et qui pour – les utilisateurs des vélos de première génération – ne pourront même plus utiliser leur VAE de peur de subir une rupture de cadre. L’entreprise s’engage tout de même à livrer les derniers vélos commandés et indique que les vélos de seconde génération continueront à rouler même s’il faut s’attendre à ce que certaines fonctions connectées ne puissent perdurer si l’entreprise disparaît définitivement.

Il faudra suivre la procédure de liquidation judiciaire pour connaître l’avenir d’Angell.

  • Publié le 24 janvier 2025

En banlieue parisienne, ce quadra père de 2 enfants pratique le vélo au quotidien de manière (assez) sportive, sur route et en dehors. A des envies de longues randonnées à la découverte de nouveaux paysages.

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